La transcription du podcast "Être à l’écoute des signes"

Podcast : Être à l'écoute des signes

Bienvenue dans TAKE CARE le podcast de celles et ceux qui prennent ou qui veulent prendre soin de leur salarié mais prendre soin de ses salariés ça veut dire quoi ?

Nous avons rendez-vous aujourd'hui avec Nicolas Combes le directeur général adjoint de la Saline Royale à Arc-et-Senans, il est aussi président de l'Association nationale des Directeurs de Ressources Humaines en Franche-Comté.

L'absentéisme en entreprise comment le définissez-vous ?

Pour nous, l'absentéisme c'est tout simplement la situation ou un salarié est absent de manière répétée de son lieu de travail et n'est plus au travail mais ça peut être pour pleins de raisons différentes finalement, la plus grande raison la plus répandue c'est clairement la situation où on est en maladie et donc on est absent du travail. Alors maladie tout court, parce qu'on a une grippe etc, mais ça peut être aussi, une maladie professionnelle, ça peut être aussi, un accident du travail et puis ça peut être pour d'autres raisons que la maladie et qui du coup deviennent parfois des absences qui sont injustifiées et là ça vaut le coup aussi alors de creuser pourquoi… ça peut être lié alors un climat social dans l'entreprise, ça peut être peut-être des conditions de travail et ça mérite vraiment analyse et donc là, l'entreprise à sa part de responsabilité pour comprendre pourquoi.

Si nous avons choisi de venir à votre rencontre Nicolas c'est parce que la Saline Royale a été confrontée à ce sujet compliqué il y a quelques années… Avant d'évoquer comment vous y êtes pris, comment vous y avez fait face, pouvez-vous d'abord nous raconter ce qu'il s'est passé ?

Oui bien sûr, on a vécu une situation d'absentéisme collectif qui est parti d'un drame. En fait on a un collaborateur qui a mis fin à ses jours en 2014. Ce n’était pas dans l'entreprise mais néanmoins ça a bien sûr affecté tout le monde. On s'est retrouvé un peu choqué, désemparé face à cette situation. On s'est rendu compte dès le lendemain du décès que cette disparition tragique avait réveillé des tensions qui concernaient deux groupes de salariés au sein de l'entreprise. Et finalement on avait quasiment deux clans au bout de quelques jours, quelques semaines on a vu un nombre d'arrêt maladie augmenté de manière incroyable et du coup, on en était même arrivé au stade où on ne pouvait presque plus faire fonctionner l'entreprise donc c'est critique en fait. L'entreprise doit vraiment réagir… j'allais dire à la fois vite et à la fois en profondeur… pour comprendre ce qui se passe, réagir et puis permettre à l'ensemble du collectif de reprendre le travail. Puis, ensuite, on a pris clairement des décisions pour résoudre les problèmes. Donc certaines décisions concernaient directement la gestion des conflits interpersonnels et d'autres décisions concernaient plus largement l'amélioration des conditions de travail et donc finalement de la qualité de vie au travail de toutes les équipes.

Par exemple sur les conditions de travail, l'amélioration des conditions de travail de quoi s'agissait-il ?

Bon d'abord on a investi dans l'acquisition de matériels, d'équipements qui permettaient de réduire, voire de faire disparaître la pénibilité de certains postes. Je me rappelle l'équipe de jardiniers, (en l'occurrence c'est notre chef jardinier qui avait mis fin à ses jours) dans l'équipe de jardiniers on a progressivement (enfin c'était déjà prévu) mais là on est rentré en action : acheter des équipements pour mécaniser toute une partie du travail qui était fait jusque-là à la main.

Quels enseignements en avez-vous tiré pour la Saline Royale ?

Alors moi ce que j'en retiens aujourd'hui, c'est que les salariés se sont davantage reconnus et bien mieux pris en compte quand ils savent qu'on a investi pour améliorer leurs conditions de travail ça a changé franchement du jour au lendemain quand on a vraiment… quand ils ont eu le sentiment qu'on investissait pour eux et au-delà du drame qu'on avait vécu c'est que ça change les choses pour toujours en fait tout à coup on aura pu de travaux de force en gros à faire et on va pouvoir se concentrer sur accompagner les jeunes qui viennent découvrir le métier de paysagiste ou de jardinier dans le jardin… ah c'est super… ça change complètement les perspectives et surtout il y a une reconnaissance pour dire à mon employeur investi pour mes conditions de travail voilà. Ils auraient pu continuer à faire comme avant bah non ils ont investi pour nous donc ça c'est un premier point. Le deuxième c'est que l'amélioration de l'ambiance de travail ça radicalement réduit le nombre et la durée des arrêts maladie tu en as divisé par 3 ! ça a été radical.

Alors je le disais au début de ce podcast vous avez également une autre casquette : vous êtes président de l'Association nationale des Directeurs de Ressources Humaines à l'échelle de la Région. Alors on imagine que vous discutez avec vos homologues de ce sujet, quelles sont les difficultés dont ils vous parlent ?

D'abord ça… ça nuit au collectif dans le sens où l'absence d'un salarié ça vient charger très certainement la part de travail que les autres, qui sont au travail eux, doivent assumer.

ça c'est pour les conséquences, mais pour les origines est-ce qu'elles sont en général aussi similaires ?

bon les origines donc je le rappelais en intro tout à l'heure là finalement on a quand même des maladies classiques normales qui sont pas liées au travail à plus de 80 % qui explique l'absentéisme dans les entreprises.

C'est à dire ? Qu'est-ce que vous entendez par là ?

Ça veut dire qu’il y a 20 % quand même ou quasiment 20 % qui s'explique par des raisons endogènes à l'entreprise qui peuvent concerner les conditions de travail l'ambiance dans le travail la présence de stress excessif et ça c'est clairement la responsabilité de l'entreprise d'agir dessus on est sur 5 % d'absentéisme dans le travail en France, d'autres pays comme le Royaume-Uni ou la Suède ils sont vraiment en dessous ! Donc faut qu'on se pose des questions en France sur ces sujets-là.

Et pourquoi cette singularité française ?

Alors pourquoi la singularité française ? Excellente question. Je pense que… enfin moi j'observe personnellement que les dirigeants d'entreprises ne sont pas toujours conscients de l'impact super positif que peuvent avoir les actions qu’ils mènent eux-mêmes quand c'est au bénéfice des salariés. De quelle manière en fait ça mobilise les salariés pour s'engager au service de l'entreprise en tout cas dans la même ligne que l'entreprise.

Nous par exemple, tout le plan d'action qu'on a mené à la suite de ce drame là ça a considérablement renforcé l'engagement, l'investissement personnel des salariés pour le projet de l'établissement. Et je témoignais très souvent après parce que le médecin du travail nous a dit c'est tellement super il faut que vous en parliez de ce plan d'action ! Tout ça a tellement porté ses fruits et du coup j'ai fait plein de conférences pour en parler etc et en fait je disais aux chefs d'entreprise mais investissez là-dedans !

Investissez dans les conditions de travail dans la qualité de vie au travail et vous verrez que non seulement, d'abord ça ne coûte pas forcément cher malgré ce que vous pouvez penser, mais plutôt vous allez voir que la productivité de vos équipes, l'investissement personnel de vos équipes, la cohésion de votre équipe va s'accroître parce que vous aurez investi dans ces conditions de travail dans la qualité de vie au travail.

Et ça c'est un message que je continue à porter beaucoup parce que les chefs d'entreprise (certains d'entre eux) vont voir cette question de qualité de vie au travail d’abord comme une ligne de dépenses. Quoi ? on va dépenser pour acheter le baby-foot  !

Alors que ce n’est pas du tout ça la qualité de votre travail ! Il s'agit vraiment beaucoup plus de questions de, comment je forme mon personnel pour les années qui viennent ? Comment j'anticipe mes besoins pendant 2-3 ans ? Quel parcours je peux proposer à mes salariés pour qu'ils aient le sentiment qu'ils évoluent dans la boîte ? et plutôt qu’ils cherchent un boulot ailleurs. Il y a un gros enjeu aujourd'hui, encore plus depuis la pandémie de covid, pour fidéliser les talents au sein de l'entreprise.

Si vous deviez donner trois recommandations clés à ceux qui nous écoutent, aux chefs d'entreprises qui nous écoutent quelles seraient ces recommandations ?

Peut-être que la première c'est que si jamais il y a un absentéisme, même s'il n’est pas important, et s'il le devient c'est encore plus important de le faire, c'est de garder le contact avec les salariés absents. Ça c'est fondamental ! sinon on crée le fossé, et là le retour il se fait très mal. Évidemment aussi il faut accueillir le salarié quand il est de retour au travail le premier jour, on commence par ça. Tu es revenu, on est content que tu sois là, tu nous as manqué, on a besoin de toi, tes compétences et ton expérience sont un bénéfice pour l'entreprise, on a besoin de toi ! Pour le garder à bord et ça c'est totalement déterminant.

La deuxième chose importante c'est que, il faut que le chef d'entreprise s'intéresse véritablement aux raisons qui ont précédé cette absence. Parce qu'il y a souvent des raisons masquées dont on n’a pas pris conscience et qu'il faut analyser en profondeur.

Et comment on fait ça ?

Et bah ça franchement je pense qu'il faut associer les délégués du personnel d'une part mais surtout si on ne peut pas le faire en interne parce qu'on n'a pas les ressources ou pas le temps il faut externaliser ça. Et il y a des gens qui sont des professionnels pour mener ce genre de diagnostic, qui se fait avec les salariés, je veux dire, que ce n’est pas une enquête intrusive, masquée.

Et justement est-ce que ce n’est pas compliqué, difficile pour un chef d'entreprise d'avoir à admettre que peut-être que dans son entreprise les conditions de travail ne sont pas optimales ?

Oui, c'est pour ça que les DRH ont une relation de confiance à créer avec les dirigeants ça ne se fait pas tout seul. Le dirigeant, il a plein d'autres réflexions à avoir : sur la stratégie de l'entreprise etc. je peux entendre qu'il ne soit pas absolument en focus quotidien sur les questions de qualité de vie au travail parce qu'il a aussi des relations avec des fournisseurs, des clients, des actionnaires etc. mais en fait la première richesse de l'entreprise c'est très certainement la fidélité de ses salariés donc là c'est le boulot du DRH ou de la DRH de convaincre le dirigeant qu'il faut investir là-dedans. Parce que finalement c'est son premier actif, son équipe.

Et la troisième bonne pratique, sans doute, c'est des choses parfaitement simples qui sont à l'origine de beaucoup d'arrêt de travail ou en tout cas d'absence dans l'entreprise. C'est de la souplesse à apporter aux salariés dans des choses parfaitement simples comme les horaires de travail qui peuvent éviter un stress parce qu'on n'est pas arrivé à l'heure parce que le bus a eu du retard, parce qu'il faut emmener les enfants à l'école, parce qu'il y a un bouchon sur la route, parce que le médecin est en retard de 15 minutes… Avoir cette souplesse-là qui permet de, j'allais dire garantir une fluidité dans les relations on va pas se taper dessus ou prendre un avertissement parce qu'on était en retard de 15 minutes, garantir ça c'est aussi la garantie de ne pas créer des tensions là où il y avait pas besoin.

La bonne pratique, la quatrième peut-être, c'est de faire confiance à ses collaborateurs, y compris pour qu'ils prennent la parole en public, qu’ils prennent la parole devant les autres salariés et donc de laisser les responsables intermédiaires ou les personnes qui sont premier niveau de responsabilité directement sur le terrain, être acteurs eux-mêmes, participer à la vie de l'entreprise et pas laisser que le dirigeant ou les directeurs en première ligne pour prendre la parole finalement à la place des autres.

Merci beaucoup Nicolas pour votre témoignage et votre accueil.

Merci Benjamin.

Et à tous, merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de notre podcast Take care le podcast de celles et ceux qui prennent soin de leurs salariés.

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