Protection sociale complémentaire : le cas de dispense d'affiliation d'un salarié ayant droit

Il y a fort à parier qu’en tant qu’expert-comptable, vous serez interrogé par vos clients sur l’impact du récent arrêt de la Cour de cassation qui précise le cas de dispense d’affiliation d’un salarié couvert par ailleurs en tant qu’ayant droit !

Alors, pour vous aider dans votre devoir de conseil, nous avons décrypté cette décision.

Quelques rappels sur les cas de dispense d’adhésion

Afin d’éviter un redressement URSSAF, les garanties de protection sociale complémentaire (PSC) instaurées dans l’entreprise doivent présenter un caractère collectif et obligatoire. Les salariés sont toutefois autorisés à invoquer un cas de dispense d’adhésion, sans que cela ne remette en cause le caractère obligatoire du régime institué par vos clients.

Deux types de dispense d’adhésion existent :

  • Les dispenses d’adhésion d’ordre public, que le salarié peut invoquer même lorsqu’elles ne sont pas prévues dans l’acte juridique régissant les garanties. Par exemple, le fait d’être embauché avant la mise en place du régime par décision unilatérale de l’employeur lorsqu’une cotisation est à la charge du salarié ;
  • Et les dispenses dites « facultatives », que le salarié peut invoquer seulement si l’acte juridique instaurant le dispositif le prévoit expressément.

En pratique, vos clients peuvent se référer au Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS), qui récapitule de façon synthétique les dispenses d’ordre public et les dispenses facultatives, tout en précisant notamment le champ d’application de la dispense : certaines ne s’appliquent qu’à la santé, d’autres sont étendues aux garanties de prévoyance ou à la retraite supplémentaire. Un outil très utile au quotidien !

Zoom sur les salariés ayant droit d’une couverture collective obligatoire

Vos clients doivent l’avoir remarqué : le cas de dispense le plus fréquent est celui du salarié bénéficiaire en tant qu’ayant droit d’une autre couverture santé et, notamment, du contrat santé collectif obligatoire de l’entreprise employant son conjoint.

Mais ce cas de dispense présente deux difficultés :

  1. Cette dispense figure à la fois dans la liste des dispenses d’ordre public et dans celle des dispenses facultatives. Toutefois, ainsi que le mettent bien en évidence les tableaux récapitulatifs du BOSS, la demande ne peut être exercée qu’à certains moments pour la dispense d’ordre public (embauche, date de mise en place des garanties, date à laquelle prend effet la couverture permettant au salarié de solliciter la dispense), alors qu’elle peut être exercée à tout moment pour la dispense facultative ;
  2. Une circulaire de la Direction de la Sécurité sociale du 25 septembre 2013 précisait que « la dispense d’adhésion ne peut jouer, pour un salarié ayant droit au titre de la couverture dont bénéficie son conjoint salarié dans une autre entreprise, que si ce dispositif prévoit la couverture des ayants droit à titre obligatoire ». Cette circulaire a été abrogée lors de l’entrée en vigueur de la partie PSC du BOSS en septembre 2022, et cette précision sur l’ayant droit à titre obligatoire n’a pas été reprise dans la doctrine en ligne. D’où une certaine incertitude sur la question.

En pratique, quelles sont les conditions d’exercice de la dispense ?

La demande des salariés peut prendre la forme d’une déclaration sur l’honneur qu’il doit remettre à son employeur. Elle doit indiquer :

  • L’organisme assureur qui assure la couverture avec les garanties auxquelles il renonce ;
  • Et la mention selon laquelle il a été préalablement informé par l’employeur des conséquences de son choix.

Rappelez bien à vos clients qu’ils doivent être en mesure de présenter la dispense des salariés concernés en cas de contrôle.

Et qu’en est-il lorsque l’adhésion des ayants droit à la couverture collective obligatoire de l’entreprise du conjoint est facultative ?

C’est ici que la Cour de cassation entre en jeu. Dans l’arrêt du 7 juin 2023, elle s’intéresse à la question suivante : un employeur peut-il s’opposer à une demande de dispense d’adhésion au régime complémentaire qu’il a mis en place, pour la seule raison que l’acte régissant le régime complémentaire dont bénéficie le salarié en tant qu’ayant droit prévoit l’adhésion de ce dernier à titre facultatif ?

Le litige opposait un employeur et son salarié. Ce dernier étant ayant droit de son épouse salariée, il déclarait se trouver dans un cas de dispense d’adhésion au régime de PSC mis en place par son employeur. Il réclamait alors la restitution des cotisations prélevées sur son salaire pour financer ces garanties. La Cour d’appel avait accédé à sa demande, le considérant dans son bon droit.

De son côté, l’employeur estimait que le salarié ne pouvait pas faire jouer ce cas de dispense d’adhésion car il ne justifiait pas bénéficier de la couverture de sa conjointe en qualité d’ayant droit affilié à titre obligatoire. L’acte juridique instituant le régime complémentaire de l’épouse indiquait en effet que « l’adhésion des ayants droit du salarié sera facultative ».

Pour l’employeur, cette mention suffisait à empêcher de considérer que le salarié bénéficiait à titre obligatoire du contrat collectif et obligatoire de son épouse, en tant qu’ayant droit. Il se pourvoit alors en cassation.

Aucun texte n’exige que l’affiliation des ayants droit soit obligatoire

La Cour de cassation suit l’interprétation du salarié. Selon elle, ce cas de dispense est ouvert dès lors que le salarié justifie bénéficier – en tant qu’ayant droit – d’une couverture complémentaire obligatoire conforme, ce qui est bien le cas dans ce litige.

Elle l’explique en ces termes : « la dispense d'adhésion au régime complémentaire collectif et obligatoire mis en place dans l'entreprise du salarié n'est pas subordonnée à la justification qu'il bénéficie en qualité d'ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective relevant d'un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire de son conjoint. »

Aucun texte n’exige que l’affiliation des ayants droit soit obligatoire !

Alors, comment conseiller vos clients à la suite de cette décision ?

Il convient de rester prudent dans le cadre de votre devoir de conseil, car des incertitudes persistent. Il s’agit en effet d’une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui traite donc d’un litige en droit du travail. Il serait intéressant que le BOSS apporte des précisions pour savoir si cette solution est transposable en matière URSSAF, et pour confirmer sa position dans le cadre d’une dispense de droit, comme d’une dispense facultative.

Autre point d’attention : l’application d’un cas de dispense peut être volontairement restreint. Aussi, avant de revendiquer cette acceptation plus souple de la dispense facultative, il faudra vérifier que l’acte juridique régissant les garanties ne précise pas que la dispense du salarié ne peut jouer que s’il est ayant droit à titre obligatoire.

Affaire à suivre, donc.

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